L’histoire :

Certains le prennent pour un fou, d’autres pour un génie. Yeux perçants, mains agiles, jambes déformées par la polio, Emmanuel Botalatala est le Ministre des Poubelles de Kinshasa. Ce poste n’est pas officiel. C’est son nom d’artiste.

Dans un Congo qui se dirige vers des élections aussi capitales qu’incertaines, le Ministre a une « destinée ». Depuis les quartiers populaires, il crée des tableaux hautement politiques et en relief à partir des déchets que Kinshasa vomit chaque jour.

À 64 ans, il est à un tournant. Sans un franc congolais en poche mais bien aidé par sa femme Marguerite et ses apprentis, il se plonge dans la dernière tranche de sa vie. Et rêve d’un coup d’éclat à la face de Kin-la-frénétique : créer un centre culturel pour y sauver son œuvre et former les Ministre des poubelles de demain.

Guidé par son envie de laisser une trace, le Ministre des Poubelles ouvre sur le rôle qu’un artiste et sa vision peuvent jouer dans un pays qui se cherche.

👆Le film est maintenant visible gratuitement.

Même si c’est un documentaire, Le Ministre des Poubelles a été pensé et réalisé comme un long métrage par le très talentueux Quentin Noirfalisse☆.

Tourné sur plusieurs années avec à peu près une centaine d’heures de rushes, nous avons monté au fur et à mesure et j’ai adoré !

Cela m’a permis, au montage, de redemander des plans pour compléter des séquences, chose plutôt rare en documentaire.

Cela a surtout eu l’énorme avantage de permettre à Quentin de mieux planifier ses tournages suivants et nous avons pu réfléchir ensemble, en prenant le temps, à une narration qui s’est enrichie.

Monter un film dans une langue étrangère – lingala dans ce cas-ci-est toujours plus compliqué mais cela a ses avantages. Le principal atout étant que je ne suis pas « perturbée » par la parole, j’écoute la musique de la langue et je me nourris de son rythme. Je travaille avec l’image, avec ce qu’elle signifie. J’ai souvent entendu dire que les mots –la communication verbale– ne représentent qu’une petite partie de l’information qui est transmise à l’interlocuteur.  Quand je ne comprend pas la langue je suis forcée d’être beaucoup plus attentive à tout ce qui est transmis « hors les mots ». Ce handicap devient donc une force et un atout pour le film.

Bien sûr, j’ai la traduction de tout ce qui est dit. C’est généralement du ressort de l’assistant.e de sous titrer des bouts-à-bouts de plans directement dans le logiciel de montage avec les traduction papier fournies qui utilisent le timecode pour se repérer. Je comprend donc ce que je monte quand même ! Quentin parlait également le lingala ce qui était très pratique mais nous n’étions pas toujours ensemble, j’ai donc du utiliser les traductions papier.

Ce n’était pas le premier projet sur lequel je travaillais sans parler la langue du film et je savais déjà que couper dans une phrase n’est pas si difficile car, avec le temps, on arrive à comprendre la structure des phrases même si on en comprend pas le sens. Certaines langues sont quand même plus difficiles que d’autres.

Personnellement, j’ai une appétence pour les langues étrangères alors c’est un vrai plaisir d’en découvrir de nouvelles. Je fini toujours en fin de montage par utiliser quelques mots…que j’oublie trop vite malheureusement.

Ce film a été plutôt difficile à structurer car c’est un film dense, à l’image de son personnage principal qui a de nombreuses activités. La difficulté a été de trouver un équilibre entre le Ministre, les personnages qui gravitent autour de lui, le pays de manière générale et sa complexité politique, le tout sans (trop) déborder des 70′ convenues avec la RTBF. Ce film est issu d’une belle collaboration franco-belge.

C’est le seul film que j’ai monté et pour lequel j’ai eu la chance ensuite de rencontrer le personnage principal. C’est très étrange parce-que moi je venais de passer plusieurs mois intenses en sa compagnie et lui ne me connaissait pas. Il y à un fossé énorme forcément ! En montage nous travaillons avec l’image, avec le personnage. En documentaire ce personnage est une personne réelle et nous finissons par voir, au fur et à mesure du travail, des petits détails qui ne se découvrent qu’avec ce travail répétitif de passage sur les mêmes images.

J’ai même eu la chance d’héberger le Ministre quelques jours chez moi et il a joyeusement répandu sa « poubelle » dans mon salon pour créer quelques tableaux. C’est un merveilleux souvenir et mon carrelage qui en a gardé quelques traces colorées m’arrache toujours un sourire quand je fais le ménage.

Je vous conseille ce film, pas en tant que monteuse, en tant que spectatrice.

☆ Je vous certifie honorable lecteur que ce réalisateur ne m’a donné aucun chèque pour que j’écrive ces mots. Il est brillant, autant le dire !