C’est l’histoire d’un homme qui s’appelle Vitalis. Il pourrait être un personnage de fiction accomplissant sa vie comme on accomplit une destinée, assoiffé de nouveauté, bravant la mort pour se sentir toujours plus vivant. Mais Vitalis n’est qu’un homme et il va mourir.
Personnage de sa propre fiction, il a mené sa vie, la mort toujours à l’esprit.
Vitalis a été monté en 2021, c’est encore un petit pain tout chaud et moelleux. Il va commencer sa vie, c’est toujours émouvant.
Chaque film nous fait avancer, nous apprend quelque chose ou nous fait travailler sur un aspect particulier de notre métier. Ici, l’exercice du portrait est un peu comme marcher sur un fil, il faut trouver LE juste équilibre.
Vitalis a eu une vie absolument passionnante, à 100 à l’heure avec plein de chemins de traverse. Notre premier montage durait 95 minutes que l’on regardait sans avoir de moment de réel ennui. Mais c’était 95 minutes racontant la vie d’un homme, certes intéressante et variée, mais sans point de vue.
Le beau travail d’Ivan Sougy ici a été d’extraire de cette matière la substantifique moelle de son regard de réalisateur sur cet homme et nous sommes passés ensemble de 95 à 33 minutes ne gardant que la raison initiale -et peut-être inconsciente à ce moment là- qui l’avait poussé à braquer sa caméra sur cet homme.
Cela a été un beau travail de création avec une belle matière et le portrait qui en résulte peut parler au plus grand nombre.
Si l’on réduit beaucoup de films à une phrase on va avoir des choses du style: « Un homme aime une femme », « Elle prend une décision qui change son parcours », « La vie d’un homme »…des choses très simples qui, pourtant, dans leur traitement et dans la façon dont le regard -à travers l’image, le son, le montage, la musique, etc- se pose sur l’histoire, la magnifie.
Avec Vitalis, pour moi, on est là-dedans. Dans « la formidable anodicité✩ ».
✩ Je propose ce nouveau terme d’anodicité inventé pour l’occasion à l’honorable Académie Française. 😊
Animal discret et attachant des rivières européennes, la loutre, comme ses cousins le putois ou le blaireau, possède un grand sens de la famille et des talents uniques de prédateur aquatique. Après avoir frôlé la disparition pour cause de piégeage, ce mustélidé est désormais menacé par le réchauffement climatique.
👆Un extrait / bande-annonce
Il faut une première fois à tout, La loutre après l’Eden a été ma première immersion dans le documentaire animalier et le début de ma collaboration avec Marie-Hélène Baconnet et Philippe Garguil.
Pourquoi faudrait-il avoir déjà monté de l’animalier pour continuer à monter de l’animalier ? A l’heure de la spécialisation en tout, je suis reconnaissante aux réalisateurs de m’avoir fait confiance pour ce projet en sachant que je n’avais aucune expérience dans ce domaine.
Des heures et des heures de rushes ! Comment on gère ça ?
Je pense que pour ce type de projet, une bonne organisation est une des clés. Sélectionner patiemment chaque petite pépite et voir ce qui peut sortir de tout cela.
Bizarrement, le documentaire animalier est pour moi très proche du travail que l’on effectue en fiction. Bien souvent les activités des animaux se décomposent en unité de lieu et d’action et la liaison se construit petit à petit à partir de ces unités de sens.
Monter muet ! Eh oui ! Les animaux ne parlent pas. Bien-sûr il y à des sons directs, pas toujours exploitables d’ailleurs, mais pour moi, ce type de montage est un pur bonheur parce que, d’une certaine manière, c’est très paisible. On travaille avec les saisons, avec des animaux qui ont un rythme interne beaucoup plus lent que nous et comme ce sont les rushes qui me guident, ce sont eux qui me prennent par la main pour m’amener quelque part, je les suis tranquillement.
J’ai eu beaucoup de plaisir à monter ce film. Parfois on a des regrets, des petites déceptions de choses que l’on aurait aimé, de choses que l’on aurait pu faire mais qui n’ont pas été acceptées, de temps que l’on a pas eu. Ici rien, que du bonheur !
En 2015, les œuvres de la Collection Cérès Franco, soit plus de 1500 pièces rassemblées dans deux maisons-musées à Lagrasse sont installées dans la Coopérative-Musée Cérès Franco à Montolieu.
Clémence Hardouin dresse un portrait sensible de sa grand-mère à ce moment charnière où la collection d’une vie quitte le « nid ».
👆La bande-annonce
Ce premier film de Clémence Hardouin est d’un bel exemple de films qui, à un moment de vie s’imposent à quelqu’un et bousculent tout.
Tourné principalement sur une semaine à Lagrasse, avant que les oeuvres ne soient transportées dans leur nouveau lieu de vie, le film a ensuite subit les rebondissements liés à l’avenir de la collection.
Ce film était à la fois un portrait de Cérès Franco et une découverte de sa collection, l’équilibre entre les deux n’a pas été simple a trouver car nous n’avions pas les images dont nous avions besoin et nous avons du composer avec cela.
J’ai été touchée par tout l’amour de cette grand-mère que l’on pouvait sentir dans les rushes, cette volonté de donner son histoire mais pas à n’importe qui, à sa petite-fille.
Le film, très honnêtement, était parfait à 40 minutes, il en fait 52 pour respecter des obligations de format. Quand on est monteur.se, cette obligation est difficile à gérer. Notre rôle, je pense, est de tirer de la matière sa substantifique moelle et, jusqu’à un certain point on se laisse guider par le film, on le révèle, on l’accompagne mais il a un rythme propre.
Ce rythme peut être légèrement distordu dans un sens ou dans un autre mais si l’on tire trop sur la corde, le rythme interne du film se perd.
Si vous en avez l’occasion, allez donc à Montolieu, cette collection est vraiment incroyablement magnifique !
Certains le prennent pour un fou, d’autres pour un génie. Yeux perçants, mains agiles, jambes déformées par la polio, Emmanuel Botalatala est le Ministre des Poubelles de Kinshasa. Ce poste n’est pas officiel. C’est son nom d’artiste.
Dans un Congo qui se dirige vers des élections aussi capitales qu’incertaines, le Ministre a une « destinée ». Depuis les quartiers populaires, il crée des tableaux hautement politiques et en relief à partir des déchets que Kinshasa vomit chaque jour.
À 64 ans, il est à un tournant. Sans un franc congolais en poche mais bien aidé par sa femme Marguerite et ses apprentis, il se plonge dans la dernière tranche de sa vie. Et rêve d’un coup d’éclat à la face de Kin-la-frénétique : créer un centre culturel pour y sauver son œuvre et former les Ministre des poubelles de demain.
Guidé par son envie de laisser une trace, le Ministre des Poubelles ouvre sur le rôle qu’un artiste et sa vision peuvent jouer dans un pays qui se cherche.
👆Le film est maintenant visible gratuitement.
Même si c’est un documentaire, Le Ministre des Poubelles a été pensé et réalisé comme un long métrage par le très talentueux Quentin Noirfalisse☆.
Tourné sur plusieurs années avec à peu près une centaine d’heures de rushes, nous avons monté au fur et à mesure et j’ai adoré !
Cela m’a permis, au montage, de redemander des plans pour compléter des séquences, chose plutôt rare en documentaire.
Cela a surtout eu l’énorme avantage de permettre à Quentin de mieux planifier ses tournages suivants et nous avons pu réfléchir ensemble, en prenant le temps, à une narration qui s’est enrichie.
Monter un film dans une langue étrangère – lingala dans ce cas-ci-est toujours plus compliqué mais cela a ses avantages. Le principal atout étant que je ne suis pas « perturbée » par la parole, j’écoute la musique de la langue et je me nourris de son rythme. Je travaille avec l’image, avec ce qu’elle signifie. J’ai souvent entendu dire que les mots –la communication verbale– ne représentent qu’une petite partie de l’information qui est transmise à l’interlocuteur. Quand je ne comprend pas la langue je suis forcée d’être beaucoup plus attentive à tout ce qui est transmis « hors les mots ». Ce handicap devient donc une force et un atout pour le film.
Bien sûr, j’ai la traduction de tout ce qui est dit. C’est généralement du ressort de l’assistant.e de sous titrer des bouts-à-bouts de plans directement dans le logiciel de montage avec les traduction papier fournies qui utilisent le timecode pour se repérer. Je comprend donc ce que je monte quand même ! Quentin parlait également le lingala ce qui était très pratique mais nous n’étions pas toujours ensemble, j’ai donc du utiliser les traductions papier.
Ce n’était pas le premier projet sur lequel je travaillais sans parler la langue du film et je savais déjà que couper dans une phrase n’est pas si difficile car, avec le temps, on arrive à comprendre la structure des phrases même si on en comprend pas le sens. Certaines langues sont quand même plus difficiles que d’autres.
Personnellement, j’ai une appétence pour les langues étrangères alors c’est un vrai plaisir d’en découvrir de nouvelles. Je fini toujours en fin de montage par utiliser quelques mots…que j’oublie trop vite malheureusement.
Ce film a été plutôt difficile à structurer car c’est un film dense, à l’image de son personnage principal qui a de nombreuses activités. La difficulté a été de trouver un équilibre entre le Ministre, les personnages qui gravitent autour de lui, le pays de manière générale et sa complexité politique, le tout sans (trop) déborder des 70′ convenues avec la RTBF. Ce film est issu d’une belle collaboration franco-belge.
C’est le seul film que j’ai monté et pour lequel j’ai eu la chance ensuite de rencontrer le personnage principal. C’est très étrange parce-que moi je venais de passer plusieurs mois intenses en sa compagnie et lui ne me connaissait pas. Il y à un fossé énorme forcément ! En montage nous travaillons avec l’image, avec le personnage. En documentaire ce personnage est une personne réelle et nous finissons par voir, au fur et à mesure du travail, des petits détails qui ne se découvrent qu’avec ce travail répétitif de passage sur les mêmes images.
J’ai même eu la chance d’héberger le Ministre quelques jours chez moi et il a joyeusement répandu sa « poubelle » dans mon salon pour créer quelques tableaux. C’est un merveilleux souvenir et mon carrelage qui en a gardé quelques traces colorées m’arrache toujours un sourire quand je fais le ménage.
Je vous conseille ce film, pas en tant que monteuse, en tant que spectatrice.
☆ Je vous certifie honorable lecteur que ce réalisateur ne m’a donné aucun chèque pour que j’écrive ces mots. Il est brillant, autant le dire !